Cela faisait maintenant quelques semaines que les événements de Piston Isle s'étaient terminés. L'issue de cet affrontement intense entre la Divine Wrath et les troupes du Gouvernement Mondial avait été particulièrement désastreuse pour le Lion Ecarlate qui, à son plus grand désarroi, s'était tout bonnement retrouvé aux portes de la mort. Il le savait, à ce moment-là, il aurait très clairement pu y passer. Et, pourtant, sa bonne étoile lui avait permis de rester parmi les vivants. Était-ce là ce dont parlait souvent Barth ? La volonté Divine ? Difficile d'en être certain, tant les preuves de l'existence d'une telle entité s'avéraient manquantes. Mais, au fond, une part de lui semblait vouloir y croire.

N'avait-il donc pas encore le mérite de rejoindre ce "Valhalla" dont son ex-subordonné faisait mention ? Peut-être. Peut-être pas. A ce jeu là, Faust était un débutant. Lui qui n'avait jamais réellement pu se pencher sur les questions religieuses se retrouvait aujourd'hui bien misérable, ne sachant quoi croire ou ne pas croire. Pourtant, s'il y avait bien une chose dont il était certain, c'était de vouloir devenir toujours plus fort. Après tout, s'il l'avait été peu de temps avant, il n'aurait pas fini dans un tel état. Heureusement, son état s'était grandement amélioré et il pouvait d'ores-et-déjà reprendre intensivement l'entraînement, mais ce souvenir lui restait en travers de la gorge.

Plus jamais il ne souhaitait se retrouver à nouveau dans pareille situation. Et, pour cela, il ne voyait pas de meilleure opportunité que de se mesurer à ses nouveaux compagnons, tous aussi redoutables les uns que les autres.

Esquissant un léger sourire presque taquin mais surtout de satisfaction, le Sakazuki envoya valser sa cigarette contre le sable chaud d'Alabasta. Autrefois, il prenait l'habitude de la conserver, comme pour se donner un genre et montrer une confiance sans faille. Seulement, désormais, il était conscient qu'il ne pouvait plus se le permettre. S'il voulait être en mesure de se protéger lui-même ainsi que ceux qu'il considèrerait peut-être assez vite comme une famille, il se devait d'être réellement sérieux.

Lançant donc un regard enjoué à sa nouvelle camarade, Faust déclara.

Pendant ce temps, la région crurale de ses jambes se mit à changer de forme, prenant rapidement l'apparence de ressorts, commençant d'ores-et-déjà à se contracter.

Spoiler:

Le temps apaise les blessures. C’est l’adage fard de tant de livre que Siam en a perdu le compte, au fil des lectures. Et, malgré la multiplication de cette espèce de leitmotiv, la Divine Greed n’en croit toujours pas un traitre mot. Bien au contraire. Dans son corps et dans son expérience, elle a prouvé le contraire. L’occupation apaise les blessures. La réflexion apaise les blessures. La préparation apaise les blessures, et non pas elle ne sait quelle connerie de temporalité à deux balles qui, de toute façon, n’a jamais eu le moindre effet. Oh ça oui, depuis le retour de la Divine Wrath sur la terre ferme, l’ancienne esclave s’était occupée. Préoccupée de ne pas passer ses nerfs sur qui que ce soit. Post-Occupée d’écrire comme une cinglée, jusqu’à en tomber de sommeil. Sur-occupée de protéger les siens en tournant et retournant les moindres recoins pour se protéger d’une nouvelle attaque coordonnée de la Marine.

Vous l’aurez compris, si Siam était d’ores et déjà légèrement paranoïaque, les évènements récents l’avaient, au mieux, aggravé, au pire, transformée en une espèce de boule de tension et de colère étrange dont la majorité de l’équipage du défunt Whaling Blues avait pris soin de fuir en attendant des jours meilleurs. Blue, qui la connaissait pourtant depuis des années, ne semblait pas lui-même disposé à tenter une quelconque approche, comme déjà convaincu que le mal qui la rongeait actuellement se trouvait bien au-delà de ses compétences. Et à vrai dire, qui aurait pu lui donner tort ? Depuis l’attaque des Vice-Amiraux, Siam n’avait pas osé remettre Ranna. Pire, elle semblait comme en autopilotage, là où n’importe qui se serait effondré de chagrin et de douleurs. N’importe qui mais pas cette tête de mule terrifiée qu’était la Divine Greed nouvellement propulsée au grade temporaire de Capitaine par défaut. De quoi finir de secouer la coquille hyperactive de la petite maitresse des séismes qui devait faire attention à ne pas exploser à chaque heure, chaque minute et chaque seconde qui la séparait du retour de Kirie. En attendant, la plus difficile des charges qui pesait sur les épaules de la petite brune restait de veiller à ce que l’équipage reste entier, malgré ses propres craintes et son début de dysfonctionnement affectif grandissant en même temps que la rage qui bouillonnait dans ses veines.

Peut-être était-ce d’ailleurs cette espèce d’aura morose et menaçante qui avait motivé Faust à lui proposer de s’entrainer … ou peut-être pas. L’archéologue n’avait pas eu le cœur de trancher sur son cas en l’absence de sa sœur et capitaine. Traitre oui, c’était une certitude, mais avait-il vraiment été jusqu’au bout ? N’était-ce pas là de la cruauté de sa part, de remettre en question son allégeance, alors qu’il avait failli mourir pour eux, dans le processus ? Non, décidément, Siam ne pouvait se résoudre à pencher d’un côté ou l’autre, de peur de se tromper encore une fois. C’était sans doute pour ça qu’elle avait passé une partie de son temps à garder l’ex-Marine dans un coin de son champ de vision lorsqu’il s’écartait un peu trop de la carcasse du Whaling.





La seconde phrase sonne comme un conseil, que le sourire confiant et taquin du maudit chasse d’un revers d’inconscience que Siam connait si bien. Parfois, elle se demande si ses efforts pour rester en retrait ne lui porte pas préjudice : les légendes sur le Gura sont nombreuses, et pourtant on manque toujours de craindre son potentiel de destruction. Elle avait utilisé une demi île en projectile et soulevé puis propulsé une baleine d’environ trente mètre sur des miles avant de tomber de s’effondrer de fatigue. Qu’est-ce qu’il fallait de plus à cette bande de décérébré pour faire l’équation de la survie et envisager que l’affronter soit une mauvaise idée ? Une ombre passe sur son visage, alors qu’elle repense à Joey puis Teppei. Etrangement, on donnait plus de crédit à ceux dont les compteurs accumulaient les morts. Finalement, il était peut-être temps aussi d’être moins délicate et moins difficile. Autrement dit, de prendre n’importe quelle occasion d’affrontement pour se préparer à devenir elle-même, une menace indiscutable.

Alors que, sans répondre, la jeune femme enfonce ses deux pieds dans le sable, elle arque un sourcil en voyant les ressorts remplacer la quasi-totalité des jambes de son adversaire. Un instant d’hésitation se réverbère dans ses yeux, alors que la Siam électrique du quotidien troque sa place avec la Siam hyperactive du cortex frontal. Des ressorts ? L’homme qui était censé l’avoir aidé avec Ikki à sortir Calypso du Knock Down Stream utilise des ressorts et pas de la gravité.

Cette nouvelle, ancrée au fer chaud au milieu de ce que la jeune femme pensait savoir, jette du sel sur une plaie encore à vif. Est-ce qu’il avait menti ? Est-ce qu’il faisait ça pour les embrouiller ? Est-ce que ça aussi Nobunaga l’avait prédit ? En position starting block, la Divine Greed cache difficilement un agacement grandissant. Au milieu de toute les données aléatoires, sans compter les fugueurs, elle avait besoin d’un bon paquet de certitude et Faust venait, inconsciemment de lui enlever une prise de plus. De quoi suffisamment la contrarier pour qu’elle se passe de répondre à son invitation par la parole.

Le sol se met à trembler sous l’injonction de la petite maitresse du Gura, dans une proportion suffisante pour sans doute inquiéter les rares Alabastiens à l’écart de la ville principale. Il ne lui fallait pas grand-chose, juste assez pour faire trébucher son « nakama » et peut être le flanquer par terre. Focalisant encore son pouvoir sous ses pieds, alors que le séisme s’intensifie quelques secondes, Siam relâche finalement la puissance et bondit en avant. Le corps à l’horizontal, parfaitement parallèle au sol, elle fonce tête la première, droit vers Faust, n’écartant les bras qu’au dernier moment pour venir saisir ce dernier à la ceinture. Lorsque sa tête effleure le flan de son adversaire, elle donne un nouveau coup de Gura derrière elle et relance la poussée du bout de ses orteils. Basculant en arrière avec sa cible, elle finit au-dessus de lui à califourchon, son regard bouillant de colère contenu alors qu’elle désigne les deux membres de son ainé du menton.

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